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Illu de tête – LD

Écrire, c’est ordonner, magnifier et partager ses idées, ses souvenirs et ses rêves. Quand Audiard faisait dire à Francis Blanche « c’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases » (Les tontons flingueurs), il brocardait le côté « taiseux » des hommes de mer, mais nous pourrions reprendre l’aphorisme à notre compte pour dire : « c’est curieux chez les marins ce besoin d’écrire des phrases ». Rares sont les métiers et leur univers qui ont donné lieu à tant de récits, depuis Ulysse jusqu’à Moitessier en passant par London, Peisson, Mac Orlan et Vercel, sans oublier tous les mémoires des Bougainville, La Pérouse et autres explorateurs. Sous des apparences parfois rustiques, capables d’autodérision, humbles devant les éléments, mais fiers de leur profession, les marins sont portés vers une forme discrète de méditation, inspirée par un horizon lointain, prometteur et effrayant. Convenons que la tyrannie de l’information continue et le stress de la performance, qui n’épargnent pas le métier, ont réduit le temps de l’observation muette et du rêve éveillé, mais il reste forcément une lueur, et c’est cette lueur que les Éditions Jeune Marine veulent réveiller et attiser.

Jeune Marine est d’abord une revue, la revue des Élèves et Officiers de la marine marchande, une vieille dame qui a fêté ses 80 ans en 2024, mais qui n’a pas une ride. Voici quatre ans, l’association qui gère la revue a pris la décision de la passer sous une forme digitale, accessible par internet (www.jeunemarine.fr) puis de créer une chaîne Youtube pour diffuser des interviews et des reportages embarqués. Cette décision a largement amplifié l’audience et augmenté le lectorat. Ayant procédé avec succès à cette mutation, nous avons souhaité laisser une place singulière à la prose écrite. Il y a d’abord eu des ballons d’essai sous la forme de feuilletons parus dans le magazine, dont l’action se passait sur des navires marchands. Puis, ayant bien graissé nos claviers, nous avons franchi le pas pour éditer des récits sous forme de livres.

La raison d’être des Éditions Jeune Marine est de donner la plume et la parole à de futurs marins, à des marins en activité et à d’anciens marins du commerce afin qu’ils évoquent les aspects humains et techniques de ce grand métier, tels que nos camarades l’ont vécu ou le vivent aujourd’hui.

Le partenariat avec les Éditions Voilier Rouge nous permet d’associer nos compétences éditoriales et notre communication tout en respectant notre complémentarité : les Éditions Voilier Rouge proposent des textes maritimes écrits jusqu’au début du vingtième siècle, alors que les Éditions Jeune Marine se consacrent à la période contemporaine.

Quatre livres sont parus à ce jour et le cinquième est sous presse. Stanislas Ségard a écrit un thriller palpitant qui a pour cadre un porte-conteneur actuel (Batangas) ; dans son Grain de sel d’une femme de marin, Françoise Gehannin nous donne avec humour et subtilité le point de vue d’une épouse de commandant sur ce métier hors du commun ; dans mes deux premiers romans, j’ai choisi l’anticipation pour traiter les questions d’avenir qui se posent aux professionnels avec l’avènement possible de navires sans marin ou la mainmise des GAFA sur les réseaux satellitaires (Eaux troubles et Eaux libres) ; Eaux profondes, à paraître, nous ramènera en 1980 avec une histoire de baraterie qui embarque le lecteur sur les côtes sud-américaines.

La proportion d’écrivains, de chroniqueurs, de collecteurs de mémoires et de romanciers a toujours été plus élevée parmi les marins. Convaincus que cela reste vrai et que la source n’est pas tarie, nous voulons donner l’occasion à des navigants qui ont la tête riche d’idées et le clavier agile de partager leurs textes.

Ancien Capitaine de 1er Classe de la Navigation Maritime, membre de la rédaction de Jeune Marine et l'équipe éditoriale de la maison.

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